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MJ 23 Part. 4a : Bataille pour la Magna Caverneum

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Jeu 29 Juin - 14:37

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"Magna Caverneum"


Cidyne, l'orfèvre


Partie 1
Co auteur : Steven Caldwell

Conceptrice Cidyne


Pliée en deux, une femme âgée allait dans le sens inverse de l’ensemble des Natus. Elle supportait un sac en toile extrêmement lourd et usait de ses deux mains pour essayer de le garder sur son dos. Ses longs cheveux revenant sur son visage et son souffle rauque laissait percevoir la peine qu’elle mettait à l’ouvrage. Elle progressait lentement et péniblement, fortement handicapée par la boiterie de sa jambe droite qui avait subi une déformation maladive.
Un homme vint à sa rencontre. Un Natus visiblement timide et très gêné lui parla au moment où elle passa près de l’Atlante qui était sortie prendre l’air. La dame ne l’avait même pas remarquée et se contentait de lever un regard fatigué sur le jeune Natus. Elle semblait néanmoins investie d’une grande bonté, c’est l’émotion qui irradiait de son visage malgré la fatigue et le fait qu’elle ne recevait pas d’aide.

« Pardon, conceptrice ! Je ne veux pas vous apporter plus de misères mais voulez-vous bien… »
« Il y en a beaucoup. Il faudra attendre un peu. »
« Je sais mais...je voudrais pouvoir le faire avant de mourir ! »
« Bon...C’est d’accord…»

Le jeune Natus fût rassuré et sortit de son sac un morceau de roche qu’il plaça dans le ballot déjà très lourd que supportait la dame. Il lui déposa un baiser sur le front, s’excusa de la laisser dans la détresse puis repartit au feu au pas de course.
Elle progressa alors petit à petit, grignotant mètres après mètres, puis chuta brutalement après que sa jambe malade ai glissé sur l’un des cailloux au sol. Elle s’effondra dans un gros “OH” en lâchant son sac, celui-ci répartissant une bonne vingtaine de rochers de la taille d’un poing. Ils avaient des couleurs différentes et l’on découvrait alors qu’ils contenaient tous des minerais précieux.
La conceptrice récupéra à genoux plusieurs fragments d’une main tremblante tandis qu’elle laissait un chagrin éclater dans un demi-silence. Les cheveux toujours en bataille devant sa figure, elle donnait l’air d’une pauvre dame perdue au milieu de cette guerre. Elle regrettait clairement que sa vie se soit bouleversée à ce point.

Pedge Allen


Pedge se détourna de son chemin en entendant un bruit de chute dans son dos, et elle remonta les quelques mètres la séparant de la vieille dame qui venait de tomber. La militaire l’avait repéré, elle et son pas claudiquant, quand elle remontait la foule. Elle avait même prêté une attention toute discrète aux propos du jeune homme et de cette dame plus âgée. Pourquoi est-ce qu’il lui donnait un caillou et pourquoi en avait-elle autant, c’était-elle dit alors. Certainement une tradition Natus, puisque le fringant semblait insister pour le lui remettre, avant de mourir. Elle s’était dit qu’elle demanderait des explications à quelqu’un… Mais quand elle avait entendu la chute et qu’en se retournant, elle avait vu cette dame au sol, avec le contenu de son sac répandu devant elle, Pedge n’avait pas cherché plus loin.

Alors qu’elle arrivait sur elle par derrière, elle remarqua que son dos était agité de soubresauts. Elle pleurait. En revoyant son visage peiné par l’effort et le poids d’elle ne savait trop quoi, Pedge sentit son cœur se serrer. Ce n’était pas une sensation commune chez elle, mais elle n’aimait pas la souffrance chez les autres. Le fait qu’elle soit âgée, et d’une culture moins avancée que la sienne, lui donnait le sentiment de devoir la protéger. C’était con, et surement présomptueux. Elle se pencha, après l’avoir contournée, pour se mettre face à elle, sur les genoux.

« Laissez-moi vous aider madame », lança la soldate en la toisant dans le blanc des yeux et en mettant la main à la patte pour rassembler les cailloux avec elle pour les mettre dans son sac. Chose étonnante chez la soldate, un sourire timide lui vint naturellement pour réchauffer le cœur de cet être humain qu’elle ne connaissait pas mais dont la vision l’avait saisie. Fugace, il ne dura que le temps où elles se toisèrent avant que l’atlante ne regarde les cailloux pour les rassembler. Chaque guerre entrainait son lot de souffrance chez les civils, et cela avait toujours débecté la texane. Si elle faisait ce métier, c’était aussi pour aider les plus faibles, ceux qui n’avaient rien demandé, ceux qui avaient besoin de gens comme elle pour les soutenir et les défendre.

Conceptrice Cidyne


« Oh, merci... » Répondit-elle en essuyant quelques larmes.
Elle ouvrit en grand le sac pour y placer plus facilement les pierres et rendre les gestes de Pedge plus simple puis elle comprit soudainement à qui elle avait affaire.
« Vous êtes Atlante ! C’est...oh, c’est un honneur ! »
La dame baissa la tête en signe de respect, plutôt intimidé, puis désigna les rochers précieux d’une main tremblante.
« Je suis la conceptrice de lien Cidyne. Tous ces jeunes loups ont hâte d’officialiser leurs unions maintenant que la guerre a éclaté. Je dois concevoir leurs parures au plus vite... »
Elle referma le sac et peina à le mettre sur son dos. Elle boitait davantage et avançait encore moins vite.
« Mon mari et mes deux fils guerroient contre le dévoreur. Je suis obligée de m'acquitter seule de cette mission. Merci pour votre aide jeune Atlante. »
Et Cidyne reprit sa route avec beaucoup de difficulté. Elle fît une demi-douzaine de mètres avant de trébucher de nouveau.

Pedge Allen


Pedge opina du chef quand son interlocutrice pris conscience qu’elle était Atlante. Elle ne voyait pas en quoi c’était un honneur, mais elle préféra juste hausser des épaules pour dire que ça allait. Elle avait repris sa trogne habituellement neutre. Elle lui expliqua qui elle était, et même s’il n’y avait pas vraiment d’équivalent terrestre, elle pensait comprendre ce que faisait cette femme. C’était pour le moins précipité.
« Je suis le sergent Pedge Allen », dit-elle en donnant son titre également tout comme l’avait fait la femme aux cailloux, qui venait de lui dire que son fils et son mari participaient à l’effort de guerre contre les Wraiths. Elle acquiesça une nouvelle fois, ne sachant que trop dire pour le moment. Mais la vieille dame n’avait pas de temps à perdre manifestement, car elle remettait tant bien que mal son fardeau sur son dos et qu’elle reprenait son chemin. Pedge s’écarta pour la laisser passer, tout en l’observant s’éloigner. Elle chuta à nouveau.

La texane poussa un soupir. Elle n’y arriverait jamais seule. Bon, son épaule était amochée, mais si elle mettait le sac de l’autre épaule, elle ne devrait pas sentir de gêne particulière. Elle revint donc vers la conceptrice, attrapa le sac et le chargea sur son dos.
« Indiquez-moi le chemin conceptrice, j’ai du temps devant moi avant que nous ne repartions. »
Son ton ne souffrait pas de possible contestation. Elle tendit même sa main libre pour aider Cidyne à se relever.

Conceptrice Cidyne


La dame fût visiblement touchée par ce geste.
Elle guida Pedge jusqu’à l’angle de l’avenue en lui expliquant que son temple n’était pas loin. C’était peut-être une appellation étrange mais le sergent-maître découvrirait rapidement qu’il s’agissait bel et bien d’une structure religieuse monumentale. En partie taillée à l’extérieur de la paroi, une devanture ressemblant fort à une église se trouvait cernée par trois immenses Tairis de pierre dont les regards se posaient sur l’entrée. Une série de marches les séparaient d’une imposante double porte encerclée par des colonnes de roches servant de pilier.
En avançant, la jeune femme eut l’occasion de saisir l’ensemble des détails sur une série de gravures mettant en avant les liens particuliers des Trois Seigneurs. A savoir un couple composé de deux mâles et d’une femelle. La gravure modélisait et mettait clairement en avant le lien de puissance et de sentiments qui les unissaient.

Cidyne claudiqua jusqu’à la double porte et la poussa de toutes ses forces pour lui ouvrir un passage. L’intérieur de l’église s’enfonçait profondément dans la paroi rocheuse et s’étalait avec un art et une droiture impressionnante. Les bancs en bois s’alignaient à la façon des cathédrales pour faire face non pas à une croix catholique mais à un impressionnant piédestal. Il était circulaire, cerné par trois nouvelles statues de Tairis très bien entretenus qui dominaient l’endroit par leur grandeur. Ils avaient des postures différentes, le Seigneur combattant démontrant une férocité très impressionnante, la soigneuse évoquant une affection et une très belle douceur, et pour le savant : une expression de grande expérience.
Les regards des Trois se rivaient ensemble pour se poser sur le piédestal vide. Il y avait une petite table en pierre faisant face à un pupitre en bois surélevé : la place de la conceptrice.

La scène était tout aussi magnifique que surprenante. Les amants qui désiraient se lier devaient faire face à la conceptrice sur ce piédestal et jurer sous le regard des Trois qui les fixaient. Une cinquantaine de bougies de cire étaient allumées et disposées tout autour du piédestal, comme pour en intensifier l’importance.

La dame agrippa la manche de Pedge pour l’attirer dans une autre direction. Elles passèrent par une porte beaucoup plus discrète sur le côté et changèrent littéralement d’ambiance : c’était l’atelier de confection, une véritable forge spécialisée. Un coin était attribué au stockage et à la conception des matériaux, un autre attribué à un atelier pour les finitions d’orfèvre.

Trois mannequins en bois portaient des fourragères faites de chaînes en or et d’argent. Le tout brillait de mille feux et laissait admiratif.

« Posez ça ici, ma jeune amie. » Fît Cidyne en lui montrant une vieille table en bois. Le pupitre faisait face à une série d’étagère à tiroir. Il y avait des métaux précieux triés dans ces rangements.
Elle ramena ses cheveux en arrière et les noua en une queue de cheval avec une petite cordelette. Un regard bienveillant rencontra celui de Pedge.

« Votre aide m’est précieuse Atlante. Je vous fabriquerai quelque chose pour vous témoigner ma gratitude, j’en fais serment. Mais je ne connais pas vos coutumes alors... »

Elle ouvrit un grand tiroir comportant divers bijoux magnifiques. Il y avait de tout : des bracelets, des anneaux, des broches, des petites décorations en tout genre...souvent à l’effigie des Trois.

« Ceux-là ont déjà été béni. Mais si vous y trouvez votre intérêt, je vous ferais la parure de votre choix. »

Pedge Allen



Pedge suivait la conceptrice vers ce qu’elle lui indiqua être comme son temple. Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre, toujours est-il qu’elle se félicitait de découvrir un peu plus cette culture qu’ils mettaient tous tant d’ardeur à défendre, Atlantes comme Natus. Cidyne ne plaisantait pas en parlant de temple. C’était une véritable bâtisse, immense et richement décorée si on laissait trainer son regard. Rien de superflu ou d’ostentatoire, mais des gravures, sortes de fresques historiques rappelant le lien qui unissait les trois seigneurs Tairis que les autochtones vénéraient comme des Dieux. D’ailleurs, ils étaient représentés, dans toute leur majesté et leur puissance, par trois immenses statues de pierre veillant sur l’entrée de ce qui ressemblait à une église terrestre. Peu importe l’endroit dans la Galaxie, on retrouvait des similarités pour chaque culte terrestre, sans parler de la magnificence et du grandiose que les humains déployaient pour rendre hommage à leur divinité. Après tout, les églises et autres temples, les mosquées, les pagodes, les synagogues, bref, tous les sanctuaires religieux sur Terre faisaient preuve, non pas de modestie, mais de puissance, d’exagération, de grandeur et magnificence. Tout était démesurément grand, et ici, cela ne dérogeait pas à la règle. Quoiqu’il en soit, Pedge essayait de ne pas en perdre une miette. Même si les religions et tous les trips qui allaient avec ne l’intéressaient guère, elle était curieuse de découvrir une culture différente et cela passait forcément par leurs divinités, étant donné qu’ils s’étaient construit autour du souvenir de ces trois Tairis.

Le pas boiteux de la conceptrice l’emmena jusque devant l’immense double porte, qu’elle poussa pour aménager un passage à Pedge et son fardeau. N’empêche, ce qu’il pesait ce sac, sur la longueur ! L’édifice s’enfonçait dans la paroi rocheuse, déployant une architecture rectiligne et artistiques. Il y avait des heures et des heures de travail, dans ce temple. Sans parler du piédestal qui faisait face à tous ses bancs, majestueux et grandiloquent, les trois seigneurs Tairis couvaient de leur regard le piédestal vide qui complétait le leur. Chacun avait une position différente, rappelant leur fonction. Pedge restait interdite dans sa contemplation de la salle, et parfaitement immobile tandis que ses yeux grapillaient tel ou tel détail et qu’elle tentait d’imprégner sa mémoire de l’ambiance et des images de tout cela. Elle sentit une traction sur sa manche, et aussitôt, elle ferma la bouche pour suivre la conceptrice qui l’entraina dans une succursale plus intime, mais aussi plus fonctionnelle. Cela ressemblait à un atelier, une sorte de forge, ou elle ne savait trop quoi. La militaire avait les yeux partout et nulle part à la fois. Il y avait trop à regarder en vérité.

Cidyne lui indiqua où déposer le sac et elle fut soulagée de le glisser de son épaule pour le poser sur la table. Les fourragères avaient attiré l’œil de Pedge, mais les petits rangements plein de métaux précieux furent tout aussi attrayant. Elle n’était pas très bijoux et colifichets, cela dit, ça ne l’empêchait pas de mirer du travail d’orfèvre. La texane se tourna vers la Natus, et leur regard se croisèrent tandis qu’elle attachait ses cheveux. Elle réajusta sa tenue, trouvant qu’elle avait bien fait de se changer avant de sortir se promener dans les rues. La proposition de la conceptrice prit de cours la jeune femme.

« Oh euh… » Elle approcha néanmoins du tiroir, pour ne pas être impolie. Elle ne portait jamais de bijoux, même pas de boucle d’oreille, parce qu’elle trouvait que dans son métier, moins on avait d’endroit où s’aggriper, moins on était simple à abattre. C’était un peu tiré par les cheveux, mais au moins, elle n’avait jamais eu un lobe d’oreille arraché dans la jungle comme une de ses collègues une fois, qui s’était prise la boucle dans une liane sans s’en rendre compte sur le coup, alors qu’elles courraient… Bonjour les dégâts et les emmerdes, et cela avait conforté la militaire de ne pas porter ce genre d’accessoire. N’empêche, ceux qu’elle présenta à Pedge étaient magnifiques, et cette dernière opina du chef pour faire signe qu’elle avait compris qu’ils étaient déjà réservés, du fait de leur bénédiction. Elle pourrait toujours en offrir un à sa sœur, elle serait surement contente… Mais est-ce qu’un alliage extraterrestre passerait la censure ? Ce n’était pas certain.

Elle trifouilla machinalement son anneau, celui qu’Isia lui avait offert… Et la promesse de lui en ramener un pour la marquer elle aussi de sa possession fictive lui revint en mémoire. C’était l’occasion de lui dégoter une bague, non ? D’un autre côté, le symbole semblait un peu fort, surtout si la conceptrice la faisait exprès pour elle… Pedge soupira. Elle n’aimait pas obtenir quelque chose en échange d’un service. Elle se détourna des parures et elle décrocha son arme de son gilet pour la poser près de la porte, canon vers le haut. Cela soulagerait un peu son corps du poids de cette dernière.

« Je ne voudrai pas abuser de votre temps madame. Je ne faisais pas ça pour obtenir quelque chose de vous. C’était un coup de main. C’est très joli en tout cas. Vous faites tout vous-même à partir des rochers que vous transportiez ? »
Conceptrice Cidyne


« Oui, je retire le minerai de ces roches pour matérialiser les liens sacrés. »

Pedge essayait d’en savoir un peu plus alors qu’elle s’adossait à un endroit où elle ne risquait pas de faire tomber quelque chose. Elle regardait la conceptrice, tout en tournant l’anneau sur son doigt, machinalement, sans vraiment y penser, alors que ses mains étaient croisées au niveau de son nombril.
Celle-ci s’approcha d’elle avec un sourire d’une profonde gentillesse. Elle remarqua la bague quelque peu malmenée et ouvrit la bouche en un “ah” de découverte, comprenant qu’il s’agissait là d’un lien Atlante. Cidyne tendit légèrement ses mains pour accueillir celle de Pedge.

« Puis-je vous “regarder” ? »


La conceptrice attendit patiemment qu’elle lui donne sa main afin qu’elle puisse commencer son observation. Elle passa doucement ses doigts le long de ses lignes, s’attardant sur certaines d’entre elles, puis ses pouces allèrent à la rencontre de l’anneau en exerçant une très légère pression. L’analyse tactile remonta ensuite le long de son poignet, son avant-bras, passant par l’épaule avant d’arriver jusqu’au coeur. La dame semblait suivre le tracé imaginaire d’un lien reliant son anneau au centre de sa poitrine.
D’un oeil exercé, Cidyne posa le bout de ses doigts pile sur le coeur de Pedge, par-dessus son gilet, puis laissa un sourire tendre parcourir son visage, comme si un fantôme lui chuchotait tous les secrets de la militaire alors qu’elle remontait à présent le long de sa gorge pour passer sur le visage neutre et fermé. Ce n’était pas un spectacle spirituel dans le but d’une quelconque arnaque ou manipulation. Cidyne était pleine de certitude et semblait lire en Pedge comme dans un livre ouvert. On sentait que cette dame avait fait ça toute sa vie et qu’elle ne donnait pas l’air de se tromper souvent.
La conceptrice parcourut les traits de sa figure comme l’aurait fait un aveugle pour s’en faire une image fictive. Mais la militaire sentit que les doigts fins de cette dame passaient à des endroits précis, comme si elle délimitait les bordures de son “masque” pour voir jusqu’à quel point il s’étendait...à quelle profondeur il été ancré...mais sans la moindre menace de vouloir l’arracher.

« Vous êtes nouée par un lien d’une grande puissance...je le sens. A son origine : la surprise, une sorte de défi et...une évolution qui malmène votre esprit. » Fît Cidyne en parcourant la séparation entre son front et ses cheveux. Elle pinça entre ses deux doigts la mèche rebelle qui s’était échappé du chignon et la lissa jusqu’au bout.
« Ce lien est trouble et indécis. Vous suivez un chemin orphelin, bataillant de coeur contre raison sans en connaître l’issue. »
Son examen revint sur sa main, passant encore une fois sur l’anneau et le bout de ses phalanges.
« Oui...Votre lien est incomplet, n’est-ce-pas ? »
Elle quitta son examen puis entoura le visage de Pedge de ses deux mains, les posant sur ses joues comme pour les réchauffer, exactement comme l’aurait fait une mère voulant rassurer sa fille.
« Nul lien n’est destructeur lorsqu’il est sincère. Il en devient naturellement le baume salvateur de l’âme. »
Elle lui offrit une expression de réconfort, comme pour la rassurer que cette découverte dans l’histoire de la militaire, qu’elle avait déduit seule et sans accroc, resterait à jamais dans cet endroit.
« Ce serait un grand honneur pour moi de compléter votre lien, ma jeune amie. D’autant plus que vous bataillez pour nous contre le dévoreur, vous le méritez amplement. Alors approchez de ces rangements et choisissez les deux minerais qui attirent votre coeur. » Conclu-t-elle en l’attirant gentiment devant les rangements.
« Je vous offre cela de bon coeur, n’hésitez pas par politesse. »

Pedge Allen


Pedge avait forcément d’autres questions suite à la réponse de la conceptrice sur l’extraction de minerai, mais elle n’eut pas le loisir de les poser, qu’elle approchait d’elle, les mains devant, signe qu’elle voulait prendre celles de la texane dans les siennes. Elle lui demanda la permission de la « regarder ». Elle ne comprenait pas vraiment ce qu’elle sous entendait par là, vu qu’elles se voyaient directement. Cependant, son non verbal, surtout celui des mains disposées de la sorte, appelait à ce qu’elle tende une des siennes. Naturellement, elle donna celle qui portait le bijou. Pourquoi est-ce qu’elle avait été dans son sens ? Elle n’en savait rien, surtout que l’esprit très cartésien et terre à terre de la militaire ne l’incitait pas à se faire dire l’avenir dans les lignes de sa main. C’était donc la sénestre qu’elle tendit, tandis que la dextre retournait le long de son flanc. Pedge toisait la conceptrice tandis que cette dernière commençait son analyse.

La jeune femme crevait d’envie de retirer sa main et de se soustraire à tout ça, mais elle n’osait pas bouger, comme clouée sur place par l’entièreté de l’édifice, de la foi et des croyances. Un frisson involontaire la parcourut tandis que Cidyne appuyait çà et là sur sa main. Elle sentit ses poils se dresser sous son treillis. Elle ouvrit la bouche pour protester, pour dire que ce n’était pas la peine, qu’elle ne croyait pas à ce genre de chose, mais voilà qu’elle était sur son poignet après avoir appuyé sur son anneau. Et maintenant, elle remontait le long de son bras, et de son épaule, si bien que ses protestations moururent dans sa gorge et qu’elle garda la bouche entrouverte. Elle n’aimait pas qu’on la touche, elle détestait ça, et pourtant là, elle appréciait ce contact doux, presque maternel. C’était dénué de sexualité et de désir, mais elle avait envie que ça continue ne serait-ce que pour le bien être qu’elle ressentait à sentir ces doigts presser ici et là et l’effleurer. Elle s’arrêta au niveau de sa poitrine, appuyant sur la zone où son cœur se trouvait. La jeune femme restait résolument neutre et fermée, mais elle attendait la suite, sans vraiment respirer. Elle ne savait pas quel comportement tenir et elle se maitrisait pour ne pas taper dans cette main, se soustraire à son diagnostic, et s’enfuir, surtout quand un sourire s’étira sur les lèvres de la conceptrice, comme si elle voyait quelque chose qu’elle était seule à percevoir.

Cela ressemblait aux arnaques de fêtes foraines, sans y ressembler. Elle ne savait pas si c’était l’atmosphère, le lieu, ou le charisme de la Natus qui faisait que cela semblait authentique. Elle était désarçonnée dans ses certitudes, et cela ne s’arrangea pas quand elle vint toucher son visage, comme pour délimiter les contours du masque qu’elle portait. Elle était en train de la mettre à nue, c’était du moins cette impression qui prédominait chez la soldate, qui n’aimait pas ça. Et pourtant, elle restait statique, le dos contre le mur, la main gauche le long du corps, la droite toujours en l’air au niveau du nombril de son interlocutrice. Sa mère ne lui avait jamais fait de câlin, ni même son père, et dans la famille, les marques d’affections n’étaient jamais légions. Quand elle avait des amants ou des amantes, elle était toujours dans la brutalité, dans la consommation, dans le produit qu’on utilise et qu’on jette, et elle était en train d’expérimenter la douceur d’un touché chaste et plaisant, et elle n’était pas certaine d’être à l’aise avec ça. Un nouveau frisson se déclencha chez elle quand elle lui attrapa sa fameuse mèche rebelle qui encore une fois s’était évadée de derrière son oreille alors qu’elle s’exprimait, donnant son verdict, ou du moins, son analyse de Pedge au travers ce qu’elle était en train de faire sur elle.

Elle revint sur sa main, exprimant des certitudes qui laissaient la texane dubitative. Elle savait de quoi elle parlait. Ou plutôt de qui. Mais pouvait-elle affirmer ou infirmer ce que disait la conceptrice ? Elle n’en savait fichtrement rien car elle était complètement perdue. Elle lui entoura les joues de ses mains chaudes, et Pedge braqua son regard dans le sien. Elle se sentait vulnérable, faible, comme une petite fille qui se ferait attraper par sa mère et qui verrait un secret qu’elle pensait bien gardé, étalé au grand jour. Elle lut dans ce regard du réconfort, tandis que Cidyne lui disait qu’elle voulait compléter ce lien, et elle l’attira vers les rangements pour qu’elle choisisse deux minerais…

Pedge reprit sa respiration, et elle se tourna vers cette dame qui venait de la chambouler, des racines de cheveux jusqu’à ses pieds. Elle se sentait vide.

« Je ne sais pas conceptrice… Pour être honnête avec vous, je ne suis pas certaine que ce soit si honorable que ça que de compléter ce lien… Cette bague… » Elle releva sa main gauche pour bien définir ce dont elle parlait. « Cette bague est un cadeau d’une jolie femme mais c’est une plaisanterie entre nous. » Et pourtant, elle la portait à l’annulaire… Elle aurait pu rire de ça et la ranger quelque part, et pourtant, elle la portait. « Je ne sais même pas si un lien nous uni, je ne sais même pas si j’ai envie de plus avec elle, tout cela n’est qu’un jeu. » Elle n’était pas claire, c’était du moins l’impression qu’elle avait en s’écoutant. Mais c’était normal, parce qu’elle n’était pas certaine dans sa tête de savoir ce qu’elle voulait d’Isia. Une aventure ? Continuer le jeu de la provocation ? Aller jusqu’au rapport sexuel ? Ce qui l’agaçait quelque part, c’était qu’elle avait toujours pris des amants et des amantes pour un coup, qui pouvait se répéter dans le temps de temps en temps afin de se faire du bien, mais il n’y avait pas de sentiment. Elle n’était pas certaine du tout de ne pas commencer à en éprouver pour la blonde, et cela lui filait les pétoches monstres parce que Pedge Allen ne tombe pas amoureuse. Elle prend, elle jette, elle ne s’attache pas. Mais c’était aussi le foutoir dans sa tête parce que l’amour s’accompagnait d’une notion de fidélité et pour le coup, elle n’éprouvait aucune espèce de jalousie à savoir que la doctoresse allait fricoter ailleurs. Si elle était en train de tomber amoureuse, elle devrait détester cette idée, non ? Non, elle n’était pas amoureuse. Elle le saurait. Elle avait juste envie de savoir ce que leur petit jeu allait donner, sans vraiment se projeter, pour ne pas être déçue.

« Je ne veux pas vous faire perdre du temps pour un jeu. C’est sûr que j’aimerai bien lui ramener une bague, histoire de compléter cette plaisanterie, mais la faire fabriquer… Ce serait trop, non ? »

Elle soupira. Qu’est-ce qu’elle détestait parler de tout ça. Le fait que Cidyne soit une inconnue l’aidait quand même à passer au-delà de ses barrières. Mais elle n’était pas à l’aise, et cela se voyait. En plus de ça, elle était perdue, et ça se sentait aussi.

Conceptrice Cidyne



Cidyne avait passé sa vie à voir émerger des couples et à les unir. Dans la culture Natus, le lien d’amour était quelque chose d’extrêmement puissant et pouvait prendre des formes diverses, parfois très originales. Et le discours qu’avait la jeune Atlante était presque similaire à tous ceux qu’elle entendait au sujet des nouveaux couples en devenir. L’hésitation, un aveuglement volontaire, un recul face à l’idée de l’engagement.
La conceptrice se fît très rassurante en lui pressant le coude, dans un mouvement de douce intimité.
« Une plaisanterie et un jeu ? N’est-ce pas là l’excuse de votre raison pour laisser votre coeur s’exprimer ? » Demanda-t-elle doucement.
Un sourire malicieux ponctua sa question. «Cessez donc de vous malmener ainsi, ma jeune amie, cet échange particulier est un examen mutuel pour une liaison à venir. C’est tout à fait naturel... » Elle insista doucement sur ses derniers mots. On aurait cru une mère rassurant sa fille sur des questions compromettantes. Elle levait les doutes avec une douceur et une certitude rassurante. C'était tout aussi étrange qu'intimidant pour l'Atlante.

Elle regarda de nouveau la bague. « Ce jeu dissimule simplement ce que vous refusez de reconnaître. Et cela vous plait : cette femme vous attire visiblement plus que vous ne le souhaiteriez, sinon vous ne garderiez pas ce lien autour de votre doigt en pareille circonstance. »

Ce n’était pas évident pour Pedge, la conceptrice le voyait très bien. Mais de son côté, elle considérait qu’il était plus sain d’obtenir une vérité d’une source extérieure. Nul besoin d’en apporter un quelconque changement, ce n’était pas du tout le but. Mais l’hésitation de cette jeune femme méritait fort d’être levée et une part de ses réactions donnaient des réponses que sa fierté, ou ses habitudes peut-être, refusaient catégoriquement. Cela n’avait rien de si horrible pourtant et la conceptrice voulait lui faire comprendre avec l’aide de son aspect maternel.

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Jeu 29 Juin - 14:39

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"Magna Caverneum"


Cidyne, l'orfèvre


Partie 2
Co auteur : Steven Caldwell

Pedge Allen


La conversation déviait vers des attraits un peu trop personnels pour Pedge qui n’était décidément pas à l’aise avec tout ça. Elle préférait parler des autres, c’était quand même moins envahissant intérieurement. Elle sentait que ses stratégies pour rester évasive ne fonctionneraient pas vraiment sur Cidyne. Elle soupira, désorientée. La conceptrice se montrait douce et compatissante, un peu pressante mais sans plus et la militaire avait l’impression d’être face à sa mère, l’intimité en moins. Elle ne se sentait pas de taille à l’intimider ou à lui refuser ce qu’elle demandait. Elle ne comprenait pas pourquoi. Dans quel traquenard s’était-elle donc fourrée ?

« Je ne vais pas nier que cette femme m’attire, sinon je ne jouerai pas avec elle. Maintenant, comme je vous l’ai dit, je ne sais pas ce que je veux. »

La guerre faisait son œuvre dehors, et Pedge l’avait expérimentée déjà. L’endroit était propice à la confidence, et il était peut-être temps de faire un point sur sa situation. En plus de ça, cette femme lui était totalement inconnue, et ses « dons » ou sa façon de faire la mettaient en confiance, sans parler du fait qu’elle semblait lire en elle comme dans un livre.

Elle pointa du doigt un métal gris et un métal doré, dans un autre soupir, avant de se détourner, et des boites de rangements, et de la conceptrice. Elle alla s’asseoir sur un tabouret de travail près d’un plan en pierre à cet usage. Les deux coudes sur les cuisses, les mains jointes, et les yeux braqués vers le sol, elle se lança.

« Vous savez, mon métier me fait souvent voyager. » Elle prenait des mots que toutes les deux pouvaient assimiler via leur culture. « Alors je voyage, je me déplace, je ne suis jamais au même endroit très longtemps. Pour me préserver, et parce que je fonctionne comme ça, je ne m’attache pas. Si j’ai un… besoin physique, je trouve quelqu’un, on se fait du bien mutuellement, et ça ne va pas plus loin. »

Elle leva les yeux vers Cidyne, ne sachant pas trop si elle serait jugée ou pas. De toute façon, elle s’en foutait un peu.

« Avec cette fille, ce n’est pas pareil. Elle me taquine, je la taquine, c’est de la provocation pure et dure sous forme de jeu, et ça me plait beaucoup. Du coup, je me projette peut-être un peu sur elle, et je me dis : tu vas avoir un lien exclusif avec elle, qu’elle ne partagera pas avec une de ses nombreuses conquêtes. » Le moulin à parole Pedge était lancée. En fait, elle en avait plus sur le cœur que ce qu’elle ne pensait. « Oui, parce que Isia est comme ça, elle ne s’accommode pas d’une personne, elle est libre d’aller papillonner où elle veut même si elle partage sa vie avec quelqu’un. » Pedge marqua une pause. Elle fit une moue. « Vous savez, tous les atlantes n’ont pas des mœurs comme elle et moi. La plupart des nôtres ont une femme ou un homme et ils s’en tiennent là, à cette notion de fidélité. » Elle essayait de sauver les meubles de son espèce pour que la conceptrice ne se fasse pas une idée sur la base d’une tordue qui se confiait au sujet d’une autre tordue. Elles n’étaient pas représentatrices du classicisme terrien.

« Et c’est ce lien que je n’arrive pas à définir. » Elle se leva pour déambuler dans la pièce. « Est-ce que c’est de l’amour, d’elle vers moi et de moi vers elle ? Est-ce un jeu dont l’issue et de s’envoyer en l’air parce qu’on ne saura plus comment on doit jouer ni qu’elles sont les règles à ne pas transgresser ? Est-ce qu’on se drague dans un but plus sentimental ? Est-ce qu’on se fait la cour pour juste se consommer ? Sommes nous des amies qui se chamaillent ? Pourquoi est-ce qu’elle m’a donné une alliance d’abord ? Si ce n’est pour affirmer un lien de possession sur moi ? On a passé une soirée ensemble, et on a seulement échangé un baiser sur un coup de tête avant que je ne parte chez vous. Bref, je mouline depuis hier soir et cette guerre n’arrange rien. Je ne suis pas sûre de m’en tirer. Mais une chose est certaine. Je ne peux pas perdre la face. Il faut que je lui trouve un anneau. Sinon, elle gagne. »

Elle se reposa sur le tabouret, en soufflant sur sa mèche de cheveux, l’air pensive. Elle s’était projetée assez loin dans sa relation avec la belle blonde, chose qu’elle ne ferait jamais avec quelqu’un d’autre. Alors pourquoi avec elle ? Parce que c’était nouveau ? Inédit ? Qu’elles jouaient une même partition ? D’habitude, elle taquinait quelqu’un, elle prenait le dessus, elle couchait avec, et elle le jetait. Là, elle n’arrivait pas à prendre le dessus, et ça l’énervait. Elle pensait avoir gagné hier soir, mais c’était peine perdue. Elle lui avait sortie une bague et elle l’avait laissé en plan, comme ci elle avait eut un coup d’avance.

« Enfin, faut que je rentre au bercail vivante. »


Conceptrice Cidyne


Cidyne débuta son oeuvre dès que l’Atlante lui montra les minerais qui l’intéressait. Elle sortit une petit cordelette qu’elle usa pour connaître la mesure de son doigt puis débuta une technique d’extraction du minerai. Elle alla de commentaires positifs et pleins de bonté à son égard, lui laissant le plus souvent la parole et attendant les bonnes occasions pour lui répondre.

« Isia...c’est un magnifique prénom… et “Ce n’est pas pareil avec elle”, dites-vous ? » Questionna tendrement Cidyne. « Votre compagne distribue-t-elle l’expression de ses liens à chacune de ses conquêtes ? Ou êtes-vous l’unique élue à avoir reçu un anneau de cette qualité autour de votre doigt ? »

Ses mains expertes amenèrent les morceaux de minerai dans un four apparemment très chaud. Elle avait placé ceux-ci dans des creusets de roche et de terre-cuite qu’elle déplaça à l’aide de pince pour les engager au centre de la fournaise. Elle referma le panneau de fer et tourna un sablier suspendu à côté. Elle s’appliqua ensuite à aligner plusieurs outils à l’utilité mystérieuse pour la militaire.

« Cette jeune femme a visiblement multiplié ses expériences par le passé. Mais peut-être trouve-t-elle également chez vous ce qu’il n’y a nulle part ailleurs. Une relation sous couvert de ce jeu lui offre la chance de connaître l’engagement. C’est une façon d’expérimenter ce qui manque au tréfond de son âme : un attachement plus durable. Non éphémère... »

Le sablier s’était vidé.
Cidyne ouvrit la fournaise et retira avec beaucoup de précaution le creuset. Un liquide d’or surchauffé n’attendait plus qu’à être versé dans un moule spécifique. C’est avec une précision quasi-chirurgicale que le vieille dame s'exerçait, démontrant une grande maîtrise de son métier.

« Il est une liberté de changer couramment de partenaire. Mais cela devient ensuite un poison subtil et retord. N’avez-vous jamais ressenti un jour cette envie de stabilité : ce que cela vous apporterait contrairement à la seule satisfaction de votre besoin physique ? Comme un doux rêve inaccessible et trop dangereux à vos habitudes, chose que vous ne sauriez vous permettre... » Elle appuya la suite de sa phrase d’un silence équivoque. « Isia n’a-t-elle jamais ressenti pareil perspective ? »

Cidyne lui offrit un sourire tendre en tentant de lui faire comprendre ce qu’elle avait déjà observé des centaines de fois. Chez les Natus aussi il existait des membres qui n’appréciaient pas l’engagement de longue durée. Mais ils finissaient toujours par se languir d’un élément qu’ils n’arrivaient jamais à connaître au détriment des autres : la fidélité, la pensée continue envers l’autre.

Pedge et Isia répondait probablement aux attentes que chacune nourrissait secrètement après avoir vogué entre plusieurs partenaires. Ce jeu était une façon de se mesurer l’affinité, d’étudier la probabilité d’une union plus passionnelle et durable. Cidyne tentait de lui faire comprendre gentiment et espérait qu’elle saisissait.

Pendant qu’elle continuait d’écouter Pedge, elle fît fondre le deuxième minerai et le versa de nouveau dans un moule fin. Elle enleva ensuite ses gants de protection et, avec l’aide d’un outil en particulier, retira l’anneau en or nouvellement formé qu’elle examina à la lumière d’un cristal. Elle fît de même pour celui en argent. Puis elle les affina avec un tissu en particulier. Ils brillaient déjà sous la lumière du cristal.

Les deux morceaux n’étaient pas parfaitement droit et à raison. La vieille dame usa d’un système très ingénieux pour les combiner et les faire fusionner. L’ensemble retourna de nouveau dans un moule qu’elle plaça dans le brasier et le sablier se retourna une nouvelle fois.

« Mon enfant...cessez de tourmenter votre esprit par le doute voulez-vous ? La réponse est déjà ancrée au plus profond de votre coeur, je l’ai senti. Comme une vérité puissante et vibrante que vous ne sauriez admettre au risque de vous perdre...ou perdre Isia. »

Elle fît une pause et retira l’anneau. Il était devenu rouge et brun.
Cidyne récupéra des outils un peu plus petits.

« Appréciez plutôt la douceur de votre lien, suivez la route qu’il vous offre. Et lorsqu’il sera venu le temps de prendre conscience de la puissance de vos sentiments. Lorsque vous accepterez la vérité en votre for intérieur : alors j’espère vous revoir ici-lieu pour bénir votre union… »

Ses mains expertes gravèrent plusieurs motifs esthétiques sur les flancs. Mais étrangement, plus elle progressait, plus ces magnifiques sculptures sur le métal disparaissaient. Comme si l’alliage était vivant et avait comblé les gravures au fur et à mesure. La conceptrice ne s’en formalisa pas, tout semblait normal. Elle laissa volontairement de la place au centre et, lorsque ce fût le moment d’y graver quelque chose, elle fixa Pedge gentiment en lui disant :

« Il est temps. Donnez-moi les deux mots qui raisonnent en votre coeur, ceux qui sont à l’intention de votre compagne. Ils n’apparaitront que sous votre souffle passionné. Tel est l’avantage du métal que vous avez choisi... »


Pedge Allen


Pedge se laissa docilement mesurer le doigt, tout en indiquant à la conceptrice qu’Isia avait des doigts plus fins que les siens. Elle espérait que l’anneau lui irait à merveille… Elle n’était pas certaine de recroiser cette femme un jour pour le lui ajuster. La vieille dame lui posait des questions, toujours soucieuse d’essayer de guider la texane dans les méandres de ses sentiments, de ses envies, de ses attentes, bref, elle essayait de tirer les bonnes cordes pour avoir le bon bout. Elle faisait la conversation tout en commençant son art, que Pedge suivait du coin de l’œil tout en exposant sa situation. C’était un prénom qu’elle aimait bien en effet, original, car cela devait être la première fois qu’elle l’entendait.

« Je n’en ai aucune idée », finit-elle par répondre. Et c’était bel et bien le cas. Elle ne savait pas si elle ne faisait pas ça pour tout le monde. Peut-être que la doctoresse donnait des présents assez facilement, suite à des blagues ou des paris idiot. Après-tout, cette bague, ce n’était que l’aboutissement d’une soirée passé ensemble à la Saint Valentin, et tout avait commencé avec une tentative d’humour… Peut-être qu’elle avait un stock de bagues… C’était de la médisance. Pedge était certaine que non. La chirurgienne avait dit qu’elle l’avait trouvé au marché athosien, par hasard. Ca ne dénotait pas d’une intention particulière ou d’une habitude. Néanmoins, elle ne la connaissait pas assez pour affirmer qu’elle n’offrait pas de marque particulière d’attention à d’autres personnes qui jouaient le même jeu. La militaire considéra l’anneau à son doigt en le faisant tourner. Il était beau, ouvragé, de qualité, et surement assez onéreux quand on restait dans les limites athosiennes de ce qui était cher. Bref, elle ne s’était pas foutue de sa gueule.

La texane revint vers la conceptrice, qui après avoir enfourné, s’employait à préparer la suite des évènements en alignant les outils dont elle aurait besoin pour son ouvrage d’art. Elle continuait d’émettre des hypothèses, en écho à celles de Pedge, tandis que la course du temps était matérialisée par ce sablier qui s’écoulait lentement. Pour le coup, la jeune femme n’était pas vraiment certaine que Cidyne soit dans le mille. Elle ne savait pas si Isia était dans une optique d’engagement. L’orfèvre laissait sous entendre que c’était peut-être inconscient, du fait du jeu, mais que cela pouvait traduire une envie, ou une volonté. Pour le coup, elle n’en savait strictement rien, et elle ne se projetait pas plus que ça.

Pedge se faisait moins bavarde du fait de sa contemplation béate du travail de la vieille femme. Elle avait dû passer sa vie à réaliser ces tâches, qu’elle connaissait jusque dans sa chair désormais. Toutes discutaient d’une chirurgienne aux compétences manuelles exceptionnelles, et Cidyne n’avait rien à envier à la française dans sa dextérité d’artiste. Cette guerre allait contraindre cette femme dont la vie était ici, dans cette Eglise, ce Temple, ce lieu de recueillement et de prière pour les trois Seigneurs, à tout quitter pour s’enfuir et vivre. Mais sa vie n’était pas ici ? A quoi rimerait-elle ensuite ? C’était désolant tout ça, terriblement désolant. Pedge s’en voulait de ne pas pouvoir faire plus pour cette Natus, afin qu’elle conserve ses habitudes, ses traditions et ses coutumes. Elle semblait tellement aimer son métier.

Elle la questionnait ensuite sur son envie de stabilité. Pedge plissa les lèvres quand elle arriva à son pseudo conclusion tout en l’interrogeant sur les envies d’Isia à nouveau. Elle haussa des épaules. « En ce qui la concerne, je n’en sais rien. » Elle ne connaissait rien de la française. C’était dangereux de se lancer dans des projections de stabilité avec une femme dont elle ne connaissait que sa façon de jouer avec elle. Elle ne connaissait pas ses goûts, elle ne connaissait pas ses envies, ses passions, ses délires, ce qu’elle déteste, aime, ou apprécie. Comment pouvait-elle se projeter sur quelqu’un d’aussi étranger ? Et pourtant, elles se cherchaient, elles se titillaient, elles se provoquaient jusqu’au désir sexuel, dans quel but ? Si elles devaient effectivement finir ensemble dans une certaine relation de stabilité, alors elles devraient définir ce qu’était un couple pour elles, tout en posant des limites et des barrières. Elle-même n’y était pas prête, du moins, elle n’y avait pas pensé, et elle était quasiment certaine que c’était aussi le cas en face.

Elle avait le sentiment qu’en discutant avec Cidyne, cela prenait des proportions dantesques alors qu’il ne s’agissait que d’un jeu au départ, sans de réels sentiments autres que le plaisir de partager un moment avec l’autre. Du coup, cela obligeait Pedge à se projeter dans l’avenir, et elle avait plutôt horreur de ça. Terre à terre, elle aimait vivre au jour le jour. Certes, c’était particulier comme forme d’habitude, mais après tout, elle était dans l’armée, et ce jour-là pouvait être le dernier. Elle ne planifiait pas à long terme, du moins, pour tout ce qui était étranger à sa carrière militaire. Ne se prenait-elle pas le chou pour rien ? Pourquoi ne faisait-elle pas comme d’habitude ? Attendre et voir.

« Je ne dis pas que je n’aimerai pas me poser », finit-elle par dire en guise de réponse à ses questions. « J’aimerai avoir une personne qui m’aime, qui soit là quand je rentre à la maison, ou quand je décide de la voir. » Oui car elle n’était pas certaine de vouloir vivre avec quelqu’un chez elle. Pour des périodes données oui, mais quotidiennement et dans la durée, non. Enfin, après c’était à voir. Elle imaginait bien une petite vie de famille ordonnée et routinière. Mais ne s’ennuierait-elle pas ? « Mais je suis militaire, tout cela n’est pas pour moi. Il y a des métiers qui demandent une certaine forme d’abnégation de soi, tant physiquement que mentalement, mais aussi en ce qui concerne l’avenir. C’est comme ça. »

Cidyne venait de fondre le deuxième morceau de minerai et elle s’occuper à le façonner comme le premier, sous l’œil attentif de l’atlante. La conceptrice devait comprendre ce dont parlait Pedge, puisqu’elle exerçait une profession au service d’autrui, un sacerdoce qu’elle assumait non sans une dose de sacrifice de sa personne. Personne ne lui avait demandé de le faire, c’était un choix qui semblait être normal pour celles et ceux qui l’exerçaient.

« Vous avez raison, je m’en fais trop. Ce n’est pas mon genre habituellement, je laisse vivre et je m’adapte. »

Elle préférait ne pas rebondir sur la puissance des sentiments et le fait qu’elle aimerait la revoir séant avec Isia pour bénir leur union. C’était tellement ubuesque que la militaire ne l’imaginait même pas. Qui plus est, et c’était peut-être pessimiste de sa part, elle ne savait pas si ce lieu serait toujours là demain. Les motifs qu’elle gravait disparaissaient de l’alliage. Pedge se demandait bien pourquoi elle les faisait si c’était pour qu’ils se fassent absorber par le métal. Etait-ce une tradition ? Une forme de formule ou de prière destinée à bénir la bague qu’on confectionne pour un amoureux ou une amoureuse ? Elle n’en savait fichtre rien.

Sa dernière demande pris la texane au dépourvu. Elle n’avait aucune espèce d’imagination pour ça. Son cerveau se mit à mouliner rapidement. Que devait-elle mettre sur l’anneau ? Un truc culcul la praline ? Style : Pour toujours ? Non, c’était bien trop gnangnan. Puis de toute façon, elle en était au même point. Perdue, perdue, et perdue. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Elle ne savait pas ce qu’Isia voulait. Elle ne savait pas où ce jeu l'amènerai. Elle ne savait pas pourquoi elle avait une bague autour du doigt et pourquoi elle en faisait faire une de si belle facture. Bref, c’était toujours le bordel alors qu’elle ne se posait pas de question avant d’arriver ici.

« Mettez “indomptable pouliche” dessus. »

C’était une petite référence à la soirée du 14 février qu’elles avaient passé toutes les deux. C’était le seul surnom qu’elle avait été foutu de trouver à ce moment-là, et elle trouvait que ce serait un clin d’œil intéressant. L’avantage résidait que si elle ne soufflait pas sur la bague, les mots n’apparaitraient pas… Si elle avait bien compris le truc. C’était assez spectaculaire quand même comme procédé. Un peu comme l’anneau unique dans le trilogie de Tolkien.

Conceptrice Cidyne


La conceptrice répéta les mots plusieurs fois, avant de les graver, sans vraiment en comprendre le sens. Elle avait néanmoins l’habitude de ces petits messages cachés et savait faire preuve d’une agréable discrétion sur le sujet. Le mot “indomptable” fût donc portée sur la partie argent et “pouliche” sur la partie or.
Cidyne se recula un moment pour considérer son ouvrage en train de s’effacer et laissa un sourire satisfait recouvrir son visage. Elle se tourna ensuite vers Pedge.

« Voilà...Il est temps, jeune atlante... »

Elle s’écarta pour lui laisser sa place. La main qui tenait encore son outil de gravure pointait vers la bague en signe d’invitation.

« Soufflez délicatement dessus jusqu’à ce que toutes les gravures apparaissent. L’alliage vous gardera en mémoire et ceci n'apparaîtra plus, alors, que sous ce même souffle. Une surprise à conserver pour votre élue. »

Elle lui fît un clin d’oeil.
La conceptrice demanda ensuite à la jeune femme de récupérer l’anneau puis d’aller l’attendre devant le piédestal qu’elle avait remarqué en entrant. Ce petit promontoir cerné des Trois était apparemment l’étape finale pour la bénédiction de cet anneau. Il ne servait pas seulement à marier les couples.

Pedge Allen


Pedge était disposée à les lui épeler s’il le fallait, afin qu’elle ne fasse d’erreur sur l'orthographe. Cela aurait été de très mauvais goût, et le petit côté maniaque de la jeune femme parlait plus pour elle que son envie de bien paraître aux yeux de la doctoresse. D’ailleurs, elle n’était même jamais certaine de lui montrer ce que renfermait l’anneau. Elle ne se projetait pas assez pour aller jusque-là, mais du coup, c’était une petite surprise qu’elle se gardait sous le coude, ne serait-ce que pour étonner Isia, la déstabiliser, quelque chose du genre.

Il fallait qu’elle souffle sur le bijou que la conceptrice venait de fonder. Si cette dernière ouvrait une bijouterie sur Terre, elle ferait un malheur, à n’en point douter. Pedge resta de marbre face à son clin d’oeil ainsi que sa petite phrase ponctuée par un qualificatif fort pour quelqu’un. « Elue ». Elle doutait que tel fut le cas, et comme elle l’avait bien fait comprendre à Cidyne, elle ne se projetait pas aussi loin. Mais manifestement, la conceptrice voyait les choses autrement. Qu’importe. La texane se pencha, tenant sa mèche de cheveux rebelle de la main droite, pour le plaquer contre sa joue, et elle souffla délicatement sur l’anneau, comme s’il s’agissait d’une fleur de pissenlit prompt à distiller ses aigrettes blanches aux quatre vents. Les gravures se dessinèrent lentement, mais sûrement, avant de briller par leur présence, sur les différentes couleurs de l’anneau. C’était assez surréaliste.

« Impressionnant », commenta Pedge en se redressant, tout en lâchant sa mèche de cheveux. Ses yeux restaient posés sur l’anneau. C’était quand même une sacrée prouesse, et elle se disait qu’avec ses sentiments incertains, et sa façon de vivre, elle n’était pas digne de conserver ce genre de bijou.

Cidyne lui demanda ensuite de sortir et de se rendre devant le piédestal pour l’attendre. Pedge ne protesta pas et elle fit comme la conceptrice lui demandait. Elle remonta l’allée vers les statues impressionnantes, se sentant toute petite. La jeune femme prit place au premier rang, bien contente de s’asseoir sur un support doté d’un dossier. Elle étendit ses jambes devant elle. Elle était encore bien en forme, et c’était surement à cause de la potion rose. Elle se demandait bien qu’elles étaient les effets sur son cerveau pour que ça vigilance soit toujours optimale. C’était déroutant de ne pas ressentir les effets du sommeil. Avec ce genre de produit, elle pourrait ne plus dormir du tout, et ainsi arrêter de perdre du temps à se reposer. Ce serait un démultiplicateur de productivité pour une entreprise, ou pour des soldats. Mais Pedge était certaine d’une chose, il devait y avoir une contrepartie physique. C’était obligatoire. La nature ne donne jamais sans un échange quelconque.

Ses pensées revinrent vers le bijou. Elle avait un peu la pression en fait, et elle se demandait si Cidyne ne lui avait pas mise exprès, tout en se montrant douce et en la guidant dans ses réflexions, qu’elle avait allègrement commenté qui plus est. En la faisant réfléchir à sa relation avec Isia, qui n’était qu’un balbutiement tellement elle n’était qu’aux prémices d’un jeu un peu spécial entre ces deux là, est-ce que Cidyne n’avait pas contraint Pedge à avoir des sentiments plus profonds pour la chirurgienne ? Peut-être qu’en son for intérieur, la militaire était dans une forme de passivité active où elle allait provoquer la blonde, sans rien attendre en retour, si ce n’était une réaction de résistance à son autorité physique, et que du coup, d’y avoir réfléchi, de s’être lancé dans la conception de cet anneau, de lui mettre une petite phrase personnelle dessus, de choisir la matière dans laquelle il allait être forgé, est-ce que la conceptrice ne lui forçait pas un peu la main en la mettant dans une position délicate vis-à-vis de l’honneur que pareil présent représentait ? Pedge détestait cette sensation de s’être faite manipuler.

Elle n’arrivait pas à expliquer le sentiment qu’elle avait. C’était un peu comme quelqu’un qui s’entendrait bien avec une personne, et qu’une tierce personne, en présence des deux larrons, faisait des allusions probables quant au fait qu’ils seraient bien en couple, ou, des petites phrases moins directes mais qui seraient orientées. Du coup, cela faisait forcément réfléchir les deux personnes, qui ne s’en ouvraient pas forcément, mais qui pouvait développer une certaine forme d’attente de l’autre, voir un espoir de possible. L’idée générale était là, même si elle ne trouvait pas que c’était réellement ce qu’elle ressentait.

Enfin bref, elle soupira. Elle pouvait encore s’en aller, sans cet anneau, et sans revoir Cidyne. Après tout, elle n’avait pas vraiment de compte à lui rendre, et elle pourrait toujours donner la bague à quelqu’un d’autre ou la reléguer à un souvenir, ce souvenir où elle avait croisé le chemin d’une atlante, qui avait disparu aussi rapidement qu’elle était apparue. Mais elle resta sur le banc, comme clouée sur place par le regard des Trois.



Conceptrice Cidyne



Il est de ces jours pénibles où l’on est certain d’avoir été un peu trop influencé, surtout lorsque l’on a été percé à jour par un inconnu, au point d’une ressentir une intrusion et une certaine forme d’humiliation. Pedge avait eu affaire à une “marieuse”, une femme Natus rompu par des décennies de liaison qu’elle officiait avec un art et un aisance insolente.
Il n’était pas étonnant pour elle d’avoir vu juste en cette militaire et ressenti le trouble qui cisaillait son coeur. Mais toutes ses autres prédictions n’avaient pour but de l’amener à un résultat précis. Ils provenaient seulement de son habitude à voir les unions fleurir et se dessécher chez ses semblables.

Pendant que Cidyne se préparait en vétissant une cape de cérémonie et une bande de tissu longuement gravé, elle songea de nouveau à ce que tout l’Atlante lui avait dit et espérait intimement que ses conseils et ses questions l’aménerait à un esprit moins chamboulé et torturé. Le faciès et le comportement particulièrement neutre de Pedge, néanmoins, ne lui laissa même pas supposer l’idée qu’elle venait de se faire. Sinon elle l’aurait probablement rassuré en ce sens.

La conceptrice ressortit de l’arrière salle et se plaça devant le piédestal.
Elle lui parla doucement tout en lui montrant le petit présentoir qui se trouvait dessus, l’endroit où les amants plaçaient leurs parures avant l’union.

« Placez votre lien ici, jeune Atlante. »

Elle attendit qu’elle le fasse puis se mit à genoux avant de lui expliquer.

« Bien que vous ne partagiez point notre culture, il m’est important de faire bénir cet ouvrage. J’espère que cela ne vous incommodera pas...mais nul lien ne quitte cet endroit sans être passé sous le regard des Trois. » Il y eut un moment de silence durant lequel elle se plaça, un genou à terre, face aux statues imposantes et à l’anneau. « Vous pouvez participer à cette prière si le coeur vous en dit mais ce n’est pas obligation puisque vous n’êtes pas Natus. »

Puis elle se mit à murmurer quelques mots en fermant les yeux. Cidyne redressa la tête vers les Trois puis psamoldia sur un ton beaucoup plus solennel et poétique. Les lumières des nombreuses bougies dansaient sur son visage résolu et ses vêtements de cérémonie. L’environnement religieux prenait toute son importance et la prière, dite d’une manière si douce mais fatale, rendait l’endroit encore plus impressionnant.

« Ô Trois Seigneurs, Exemples et Libérateurs, bénissez et protégez le sceau qui vous est présenté. Que soient insufflés vos valeurs, qu’elles animent et rejaillissent sur son porteur. Pour que sa puissance et son savoir transitent et vivent à jamais dans les générations qui naîtront. Pour l’Honneur des Tairius, au nom de la Magna, et des Trois Seigneurs....en qui nous devons tout... »

Cidyne demeura dans cette position d’intense ferveur une bonne minute de plus, priant intérieurement pour la survie de la jeune Atlante et celle des Natus. Puis au bout d’un instant, elle se redressa et regarda Pedge.

« Je pense qu’il est temps de vous libérer ma jeune amie. Prenez-le, il est tout à vous à présent. »

Elle avait une expression très douce.

« Que celui-ci chasse le trouble qui vous habite. Vous méritez bien mieux que cela. »

Pedge Allen


Finalement l’attente ne fut pas trop longue. De toute façon, Pedge savourait le calme des lieux. Après le fracas des combats et le chant assourdissant des canons Natus, la jeune femme profitait de ce répit silencieux autant qu’elle le pouvait. Elle était certaine que si les effets dopants de la fiole rose ne coulaient pas dans ses veines, elle serait quitte pour s’assoupir un moment, bercée par la fraîcheur et le chant des carpes. Cidyne revint donc assez rapidement pour se placer sur le piédestal qui faisait face à Pedge puisque cette dernière s’était mise au premier rang. La native lui demanda de poser l’anneau dessus, ce que l’étrangère fit. Pedge opina du chef pour faire signifier à Cidyne qu’elle avait bien compris concernant la bénédiction, et qu’elle ne comptait pas s’y opposer. De toute façon, elle n’était personne pour contrer ce genre de précepte apparemment obligatoire dans cette culture.

Néanmoins, elle ne comptait pas participer à la prière puisqu’elle n’était pas trop portée sur les formes de religions, quelques qu’elles soient. C’était des fanatiques religieux qui avaient balancé leurs avions dans les Twins Towers, ou sur le Pentagone, et la maison Blanche. Pour elle, sa religion sa famille, s’était désormais l’armée, et plus récemment, l’expédition Atlantis puisqu’ils étaient tous plus ou moins en autarcie dans cette galaxie. Cependant, elle ne comptait pas manquer de respect à la conceptrice, et c’était tout naturellement qu’elle s’éloigna de quelques pas, tout en la conservant dans son axe de vision. En fait, elle était simplement revenue au niveau du banc. Cela lui permettait d’écouter et d’observer, en bonne curieuse qu’elle était. De plus, d’avoir combattu auprès de Namara et des autres Natus lui avait donné envie de connaître un peu plus cette culture, et comme ils donnaient une certaine importance aux Trois Seigneurs dans leur société, c’était là un pan important de leur civilisation qu’elle avait devant elle au travers du rôle et de la fonction de Cidyne la Conceptrice et la faiseuse de couple.

La dimension de ce temple prenait toute son ampleur aux yeux de Pedge, même si elle aurait aimé que cet endroit soit rempli de gens qui reprendraient en cœur les paroles de la vieille femme. L’effet aurait été grandiose, et elle était certaine qu’elle aurait eu un frisson plus que bienfaisant. Mais les circonstances de la guerre faisait que. Il n’empêche que si la Natus devait faire pareil pour chaque pierre qui lui avait été remise par ses pairs lorsqu’elle charriait son sac de toile trop rempli vers son lieu de travail, elle n’aurait pas fini avant un bon moment. Cela dérangeait un peu la texane qui ne voulait pas lui faire perdre du temps.

Quand enfin elle lui donna la permission de s’en aller avec son présent, Pedge lui fit un pâle sourire. C’était le mieux qu’elle pouvait faire en l’état actuel des choses. Elle avait beaucoup de gratitude pour la vieille femme, et beaucoup de respect.

« Je ne sais pas comment vous remercier Madame. C’est un grand honneur pour moi. », fit Pedge en serrant l’anneau dans le creux de la paume de sa main.


Conceptrice Cidyne



Elle lui sourit tendrement.

« Allons, jeune Atlante. L’honneur est mien pour avoir pu vous offrir cet ouvrage. Promettez-moi seulement de revenir me voir si votre coeur vous pèse trop lourd. Ne laissez pas le doute ternir votre avenir. »

Cidyne lui fît une bise sur chacune de ses joues, sans aucune approche d’origine charnelle, seulement un élan maternel qu’elle avait pour toutes les personnes dont elle s’était occupée.

« Prenez soin de vous ma jeune amie. Que les Trois vous guide. »

Cidyne savait bien que Pedge ne partageait pas sa religion. Mais elle avait parlé avec sincérité, comme un marin aurait souhaité “bon vent” à des équipiers qu’il ne reverrait pas avant longtemps.
La conceptrice la raccompagna jusqu’à la porte de la chapelle où elle la laissa ensuite pour reprendre son travail. Elle avait le coeur léger et se sentait heureuse d’avoir pu apporter un nouveau point de vue et cet anneau à la combattante Atlante.
C’est avec le sentiment de la bonne action qu’elle repartit oeuvrer dans son atelier.


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