Aux portes de l'Enfer

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Jeu 2 Mar - 1:23

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Le 17 février, le Dédale quittait à peine l’orbite de Virgone en s’occupant au mieux de ses blessés. Pour avoir été exposée à une longue hypoxie, le Major Karola Frei fût incapable d’esquiver le médecin du bord qui lui commanda plusieurs analyses. On décela chez elle certaines lésions sur ses organes vitaux dus à une privation trop longue en oxygène. Le docteur lui expliqua que ses migraines ne passeraient pas et que la différence de pression à laquelle elle avait été soumise lui poserait des problèmes très rapidement. Il fallait donc l’installer dans un caisson hyperbare pendant une durée précise pour stabiliser ses afflux sanguins et ré-oxygéner son corps.
Une heure dans un tube sur-pressurisé et à l’atmosphère strictement contrôlée. Il ne fallait surtout pas être claustrophobe là-dedans. Heureusement ce n’était pas son cas.

Mais à sa sortie, elle en fût quitte pour un traitement d’un mois à base de comprimés. On lui signala, néanmoins, qu’elle aurait à se présenter à un contrôle médical fréquent pendant cinq jours pour suivre l’évolution de son état. Peut-être que la jeune femme songeait à se reposer. Un traitement au caisson assomme généralement et ses quartiers personnels n’étaient pas si loin. Elle s’y dirigeait d’un pas lent mais assuré, elle était immensément fatiguée et avait hâte de pouvoir s’isoler un peu pour repenser à tout ce qui venait de se passer en si peu de temps. Et surtout, elle voulait un peu profiter de sa tranquillité avant que le colonel Caldwell ne lui tombe dessus. Ce qu’il ne tarderait pas à faire, elle en était sûre. Elle avait bien décelé la lueur de colère qui avait pointait dans son regard lorsqu’elle était apparue de manière impromptue à l’infirmerie. Son visage avait respiré la désapprobation et le mécontentement. Et pour cause, alors qu’elle lui avait fait savoir qu’elle préférait être démobilisée de l’escadrille, elle avait finalement changé d’avis sans l’avertir et était partie en mission avec l’équipe d’Adam, mettant pas la même occasion sa vie en jeu.

Or, en chemin, le Pôle-com l’appela pour lui indiquer qu’elle avait été affectée ailleurs. Apparemment, elle devait rejoindre le pont n°9 pour une autre chambre. Et lorsqu’elle l’atteignit, elle fît face à une cellule bardée de barreaux épais, ainsi qu’un geôlier qui la salua militairement. Effectivement, Caldwell n’avait pas traîné pour la rattraper, mais il ne le faisait pas de la manière dont elle s’y était attendue. Ainsi donc, il avait choisi de la jouer de manière sournoise.

- Major Karola Frei, je présume ?


Il ne lui laissa pas le temps de répondre. L’homme savait bien que c’était elle et ne doutait surement pas de la « surprise » que son supérieur lui avait réservée. Le militaire tourna la clé puis poussa la lourde porte pour lui ouvrir l’accès. Le sac de Karola, avec toutes ses affaires à l’intérieur, était soigneusement posé sur le lit de camp. Il y avait une couverture et rien de plus que ces énormes barreaux.

- Major, je vous en prie. Fît poliment le geôlier.

Karola resta immobile quelques secondes, totalement silencieuse. Elle observa successivement le garde puis la cellule qu’il venait de lui ouvrir. Sans afficher la moindre surprise sur son visage, ni encore moins le moindre énervement ou questionnement – car la jeune femme savait pertinemment les raisons de cet emprisonnement, elle se dirigea vers sa nouvelle chambre. Elle ne doutait pas que le soldat irait faire son rapport à Caldwell après qu’il l’eût enfermée et il était hors de question qu’elle lui donne le moindre motif de satisfaction. Au contraire, elle obéit docilement et observa, toujours en silence le soldat refermer la porte derrière elle.

La nouvelle condition de Karola l’empêcha de dormir. Le geôlier avait simplement passé un coup de téléphone pour signaler sa mise en détention. La jeune femme se trouvait donc sur le lit de camp, les genoux repliés contre elle et la tête réfugiée au creux de ses bras tout en prenant soin de ne pas trop forcer sur le gauche, celui-ci ayant été tordu par Pied-de-Biche pendant la mission et étant encore franchement douloureux. Cette position lui permettait l’intimité suffisante à sa réflexion. A vrai dire, si elle n’était pas vraiment surprise du petit manège du Colonel, elle acceptait tout de même difficilement qu’il ait osé aller si loin avec elle. Après tout, n’était-elle pas un officier supérieur ? Elle avait certainement moins à prouver qu’un bidasse. Mais soit, si c’était ce que Caldwell voulait, elle jouerait le jeu.

Elle savait aussi qu’il ne la laisserait pas débarquer sur Alpha sans l’avoir reçue, sinon à quoi aurait servi tout ceci ? Alors, elle profita de ce temps libre qu’elle avait devant elle pour réfléchir à ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire.

Du moins, jusqu’à ce que quelqu’un cogna joyeusement sur le sas d’accès de la cellule. Le géolier ouvrit la porte et c’est Pile-Poil qui en émergea avec un grand sourire. Elle semblait malgré tout épuisée, de grandes poches sous les yeux, et une canule barrait son visage pour descendre à une petite bouteille d’oxygène portative. Elle fît un coucou digne d’un enfant puis s’élança, peinée, vers les barreaux.

Maldición ! Trahizón ! Te jeter comme ça en prison comme une malpropre ! Juste après les soins ! Déclara-t-elle.

Aussitôt Karola fut interpellée par cette voix qu’elle reconnaissait parfaitement bien. Elle releva la tête pour apercevoir sa détentrice qui s’agitait en s’approchait de son garde et de sa cellule.
Ce dernier était encore surpris de cette visite. Il ne remarqua pas tout de suite que la pilote s'était tout naturellement emparée des clés sur le bureau pour aller lui ouvrir.

- Non ! Madame ! Je vous interdis de…

Pile Poil ne le laissa pas finir. Elle sortit de sa bandoulière un gâteau à la crème qu’elle lui fourra entièrement dans la bouche.

- Et quoi ? On va s'enfuir dans un tout petit vaisseau qui a pas d’issues peut-être ? C’est une dame ici, devant toi, y gallardía hein ? Les manières, elles sont où ?

Le soldat retira le gâteau de sa bouche tout en regardant la jeune femme ouvrir la cellule. Il parlait en mâchant ce qu'il pouvait.

- Ce n'est pas sérieux. Si le colonel le sait, il…
- Tu dis rien, il sait rien !

Et à elle de s’empresser auprès de Karola, qui était restée assise, assistant à la scène et ne se demandant même pas si elle souhaitait être seule. Toujours aussi envahissante, elle l'embrassa sur la joue, ce qui la surpris et la fit sursauter tant le geste avait été spontané et imprévisible. Puis l’hispanique lui dit :

- Mi hermana ! Tu devrais pas être comme ça, là. Toute seule. Pas bon pour toi, même si tu aimes...

Elle déposa la bandoulière aux côtés de Karola qui n’osa pas y toucher.

- C’est pour ton estomac, quand il te dira d'oublier su orgullo…heu…ta fierté, voilà : tu pourras manger ! Réconfort après l'effort, c'est ça ?

Voyant l’hésitation du Major, Pile-Poil poussa la besace vers elle pour inciter à l’ouvrir, ce que Karola fit alors sous ses yeux ravis. Dedans on pouvait y trouver une brique de jus d’orange, une feuille sur laquelle Pile-Poil visiblement avait dessiné des petits chats, des cœurs pour la soutenir, une espèce de petite peluche dont la tête était affublée d’une mèche bleue (sûrement de la part de Blue) et de quoi satisfaite une fringale nocturne c’est-à-dire des biscuits piqués au mess vraisemblablement.

- Merci…soupira Karola.

L’espagnole prit soigneusement sa petite bouteille d’oxygène puis s’installa à ses côtés.

- Ma pauvre…est-ce que ça va ?

Karola jeta un œil à sa bouteille d’oxygène et à la mine fatiguée et pale de son vis-à-vis. La question était plutôt à lui poser à elle. Elle revoyait encore la pauvre jeune femme, blessée, accrochée à un des débris de leur vaisseau à elle et Valkyrie après qu'il ait été sérieusement détruit par les débris.

- Je vais bien ne vous en faites pas. Et vous ? Que faites-vous ici ? Vous devriez être à l’infirmerie en train de vous reposer.

Le major se doutait qu’elle n’avait pas demandé l’autorisation pour venir ici et elle prenait un gros risque à outrepasser les ordres que Caldwell avait certainement donner. Karola ne méritait certainement pas qu’on en prenne de tels.

- Vous.....? Pourquoi....pourquoi vous? Tu m'aimes plus hermana ?!?

Elles se regardèrent dans les yeux un instant avant qu’elle ne poursuive.

- El doctor m'a laissé sortir si je porte ce bidule ! Répondit-elle en montrant la bouteille. Je vu tout le monde, mais pas toi, pas trouvé. Alors je t'ai cherché partout. Et quand j'ai su...

Karola soupira et jeta un regard au garde avant de se tourner vers Pile-Poil et de dire, un ton plus bas.

- Pile-Poil … tu devrais retourner te reposer. Si Caldwell apprend que tu es venue ici il risque de très mal le prendre.

Utiliser le tutoiement n’était vraiment pas une habitude chez elle surtout avec des inconnus ou des subordonnés. Elle fit un effort, simplement par respect pour Pile-Poil qui semblait l’apprécier grandement et avait braver les interdis et son état de santé pour venir ici.

- Mais je veux rester moi...et puis s'il se met en cólera, au moins, je serais à coté de toi ! Fît-elle en désignant la cellule d'en face.

Un large sourire se dessina sur son visage mais son regard trahissait son état d'épuisement. On aurait cru qu'elle avait besoin d'être avec quelqu'un. Et puisque la jeune femme avait jeté son dévolu sur Karola depuis son arrivée...

- J'ai un message d'Apollo. Il dit qu'il a vu avec Pied-de-Biche pour qu'il ne raconte pas pour "ton bras". Tu es blessée là ? J'ai pas compris...

Karola se massa distraitement le bras gauche lorsque l’hispanique mentionna ce petit incident et tenta de la rassurer car elle sentait poindre de l’inquiètude dans sa voix.

- Ce n’est rien, juste une mauvaise chute. Tu remercieras Apollo de ma part et lui dira de ne pas s’inquiéter pour moi, qu’il poursuive sa mission normalement.

Il valait mieux effectivement pour elle que le colonel ignore cette partie de la mission pendant laquelle elle avait non seulement failli abattre Pied-de-Biche et Apollo mais aussi se suicider. Elle n'osait même pas imaginer les décisions qu'il aurait pu prendre à son encontre s'il avait su.

Pile-Poil passa près de deux heures avec Karola. Elle lui raconta surtout son expérience dans l’espace après la destruction de son F-302. Comment elle avait tenté de sauver Valkyrie en utilisant toutes les rustines et l’oxygène à sa disposition. La façon dont elle avait démonté des circuits électroniques restant pour en faire un appel de détresse en morse. Puis l’appréhension, le sentiment de solitude et de perdition dans cette immensité. Elle lui avoua s’être persuadée de mourir seule et oubliée de tous, avoir eu des périodes de courage entremêlées de profondes détresses, n’ayant rien d’autre à faire que de résister. La jeune femme était, à l’inverse de Karola, très expressive. Et elle avait bien failli laissé échapper quelques larmes en lui confiant sa crainte d’être démobilisée maintenant que sa pilote gisait sur la table d’opération.

Ce furent environ deux heures assez éprouvantes pour Karola. Elle détestait être ainsi collée par les autres, elle se sentait étouffée, prise au piège, un sentiment bien désagréable. En temps normal elle n’aurait pas hésité à congédier la jeune femme pour qu’elle la laisse tranquille mais là, elle était prisonnière et sous surveillance. Elle n’avait aucune envie d’aggraver son cas. Et si Caldwell avait envoyé Pile-Poil pour la mettre à l’épreuve ? Il était étrange qu’après tout ce temps passé ici, elle soit toujours là. Le garde n’avait même pas essayé de la faire sortir. Karola trouvait cela étrange et pendant que la jeune femme lui racontait ses déboires, elle essayait de trouver de quelle sorte de stratagème elle était la victime.

Le garde n’écoutait pas la discussion, il était retourné à son bureau pour lire un roman et leur laisser toute intimité. Il avait été longuement gêné par la présence de l’espagnole de la cellule mais, constant qu’elle ne bougerait pas de sitôt, il préféra tout simplement laisser tomber l’affaire. Malgré le malaise dont elle était emprise, Karola s’efforçait de faire bonne image et écoutait ou prétendait écouter l’hispanique qui ne la laissait même pas en placer une.
Lorsque Pile-Poil ne parvint plus à empêcher ses yeux de se fermer, elle posa sa tête sur l’épaule de Karola en lui disant qu’elle ferait bien une sieste sur elle puis se redressa vivement alors même que le major s’apprêtait à se décaler pour éviter le contact.

- Mais tu aimeras pas la chaleur humaine. Envoya celle-ci en guise de boutade qui était une évidence même.
- Tu devrais rejoindre tes quartiers pour dormir.

Pile-Poil acquiesça et se leva en prenant dans ses bras sa bouteille d’oxygène. Elle lança un grand sourire qui ne cachait nullement sont état d’épuisement.

- Je reviendrais te voir hasta pronto, Hermana ! Bye !

Puis après un dernier geste de la main, elle disparut du champ de vision de Karola qui poussa un grand soupir de soulagement et s’adossa contre le mur. Ces deux heures lui avaient parues interminables et une belle migraine s’était installée. Elle décida alors de s’allonger pour atténuer la douleur.

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Jeu 2 Mar - 2:00

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Un certain nombre d’heures continuèrent de défiler lentement, permettant à la militaire de replonger dans sa réflexion. Puis le téléphone finit par sonner. « Oui colonel, bien colonel » entendit-on. Il était temps.

- Le colonel vous demande, Major, je dois vous accompagner.

Le garde ouvrit la porte. Karola se redressa, puis se leva. Son mal de tête s’était estompé mais elle ne doutait pas que ce qui l’attendait par la suite le raviverait. Silencieusement, elle suivit son geolier dans les coursives du Dédale, évitant soigneusement le regard des autres. Elle ignorait s’ils étaient au courant de sa mise en cellule aussi, il valait mieux faire comme si de rien n’était. Une fois arrivé devant la porte, le garde toqua. De son coté, Caldwell s'était préparé pour un moment difficile. Il allait devoir faire ce qu'il détestait le plus au monde. Faire le mal pour un bien.
Il endossa sa cuirasse d'officier inhumain, scella son expression puis autorisa Karola à entrer. Le soldat lui ouvrit la porte et elle s’avança dans l’antre du colonel tandis qu'elle se refermait derrière, la laissant seule face à son adversaire du jour. Elle fit un salut militaire impeccable au colonel et attendit son autorisation de se mettre au repos. Elle jouerait le jeu jusqu’au bout.

- Installez-vous.

L'officier était encore afféré sur plusieurs documents. A sa droite, un manuel du règlement militaire était ouvert. Les longs paragraphe écrits en tout petits, ces pages ainsi à la vue, traitaient de l'insubordination. L'homme continua d'écrire puis, refermant son code, déchaussa ses lunettes avant de l'observer longuement, sans dire un mot de plus.

Karola quitta sa position et s’approcha du bureau pour s’asseoir sur la chaise libre. Elle posa son regard sur Steven. Pour une personne observant la scène, il aurait été impossible de dire lequel des deux avait le visage le plus fermé. La jeune femme tenta de déceler le moindre indice pouvant témoigner de son humeur mais Steven se maîtrisait parfaitement. Elle attendit qu’il prenne la parole le premier puisqu’il désirait s’entretenir avec elle il était logique qu’il ouvre le bal. Mais il n’en fit rien et une minute, puis deux... Mais qu’attendait-il bon sang !? Ses mains se crispèrent sur ses genoux, des questions sur ce qu’elle était en train de vivre en ce moment même fusaient dans son esprit et au bout d’un moment, n’y tenant plus, elle prit la parole.

- Vous avez demandé à me voir Colonel.
- En effet. Vous aviez fait un choix il me semble. Vous allez m'expliquer ce qui vous donne le droit de bafouer mon autorité sur ce bâtiment.

Le ton était posé, presque neutre. Mais la jeune femme sentit qu'elle n'avait plus le même officier devant elle et qu'il avait quelque chose de...dangereux.
La jeune femme se devait de rester calme devant Caldwell. Il était allé droit au but et attendait patiemment que le major lui fournisse une bonne raison d'avoir ainsi agi. Karola s'éclaircit la voix avant de lui répondre, sur le même ton. Les mots choisis n'étaient pas anondins et sitôt qu'elle les entendit, Karola su que ce serait dur de le convaincre que ce qu'elle avait fait l'avait été pour des raisons qu'elle jugeait bonnes.

- C'est exact Colonel. Mais étant donné la situation et après mûre réflexion il se trouve que j'avais fais le mauvais choix. Je ne pouvais pas me résoudre à rester sur le Dédale alors même que mes camarades partaient en mission et risquaient leur vie. Bafouer votre autorité n'était certainement pas mon objectif.

L’homme hocha lentement la tête. De longues secondes dérangeante s’écoulèrent avant qu’il ne prenne la parole. Il avait choisi les mots pour taper fort d'emblée, la surprendre et ne pas lui laisser d'échappatoire.

- Vous avez jeté par la fenêtre ce qui devrait être le plus élémentaire de la rigueur militaire. Et vous m’expliquez, en me regardant dans les yeux, être incapable d’assumer vos décisions. C’est pitoyable pour un soldat de votre grade.

Sa colère était perceptible. Mais c’était quelque chose de pleinement contrôlé. Les bras croisés, il dominait la jeune femme de son rôle d'officier et braquait un regard pleinement accusateur.

- Vous êtes montée à bord d’un F-302 sans la moindre autorisation pour une simple question de scrupules, c’est lamentable. Vous aviez de ma part un traitement de faveur dont je n’aurais jamais dû me permettre. Car vous êtes allée bien au-delà de vos libertés. Vous avez démontré par vos actes à l’ensemble de mon équipage combien il est aisé de transiger aux ordres en piétinant vos supérieurs au passage.

Il la pointa d’un regard assassin. Sa voix monta d'un cran, puissante et inquisitrice.

- Avez-vous songé un seul instant que l’on me demanderait d’expliquer pourquoi une femme violée, supposée être au repos sur le site Alpha, part au-devant du danger pour défier la mort ? Le rapport que je suis sensé faire au colonel Sheppard et à l'Etat-Major concernant votre rôle « actif » dans cette mission en contre-indication de tous vos rapports médicaux et de la procédure ?

Sa voix monta encore.

- Vous êtes coupable d’insubordination. Et votre explication, c’est de me dire simplement que vous vous êtes trompée ? Vous vous moquez de moi ?

Au fur et à mesure que Caldwell lui exposait les griefs qu'il tenaient à son encontre et encore plus à mesure que le ton montait, Karola sentait une sensation désagréable lui parcourir l'épine dorsale pour remonter jusqu'à sa gorge. Ses paroles étaient froides et implacables et soudainement la militaire se sentait traitée comme un 1ere classe. Peut-être aussi parce qu'elle avait commis une erreur qui ne pouvait être digne que de ce genre de soldats. Cependant, au fond d'elle, elle savait qu'elle avait eu raison d'agir ainsi mais le colonel ne le comprendrait certainement pas et en vérité, elle n'avait nullement envie d'expliquer son geste mué par une véritable volonté d'aider ses camarades et éviter une hécatombe parmi eux. Pourtant il le fallait. Même si elle se sentait mal à l'aise ainsi mise devant le fait accompli, elle s'efforça de rester calme et de ne pas sourciller. Cependant, il était inutile de le nier, les couleurs commençaient à quitter ses joues et un irrépressible sentiment de peur et d'angoisse c'étaient emparés d'elle, Caldwell ne lui ferait aucun cadeau.

- Non, colonel... et j'en suis désolée. En revanche, je ne regrette pas mon geste.

Cela ne risquait pas de plaire à son supérieur mais Karola se devait d'être honnête avec lui même si ça impliquait de devoir signer son arrêt de mort.

- Sauf votre respect, vous m'avez laissé le choix et non pas donné d'ordres. Si vous considérez que j'ai désobéi, soit je l'accepte tout comme j'accepte les sanctions qui s'imposent. Sachez seulement que je reste persuadée que ma place était dans ce F-302 aux côtés de l'escadrille et non pas dans le Dédale à attendre que le temps passe.

C'était dit. Karola venait de confirmer ses pires craintes. Car il était arrivé à cette jeune femme ce qui pouvait arriver de pire pour un soldat valeureux : l'indépendance morale. Elle avait jugé bon d'agir ainsi donc son action serait légitimée donc aucun retour si risqué.

Mais justement, ce comportement était tout à fait dangereux et autodestructeur. Caldwell avait vu trop de jeunes gens comme elle, doué et promis à un grand avenir, se brûler les ailes sur les suppositions d'un monde militaire parfaitement bâti. Or, ce monde n'était soumis qu'à la volonté et la perception des élites qui le dirige.

L'officier aurait préféré lui expliquer simplement cette dimension qui semblait lui échapper. Mais quelqu'un comme le major Frei n'écouterait pas une leçon dictée ainsi sans exemple. Il fallait intégrer la pratique. Elle devait devenir cet exemple pour intégrer la leçon et ne jamais l'oublier. C'était essentiel, vital.

En l'entendant s'exprimer avec autant de légèreté, l'homme s'arma de son air le plus colérique puis la fixa d’un regard presque haineux. Cette fois-ci, il se redressa sur son siège, prouvant qu’il avait atteint un summum de colère. Quelle effrontée !

- Pour qui vous prenez vous ? Lâcha Caldwell, d’un ton sec. Vous n’avez aucun droit décisionnaire en la matière. Vous n’avez pas à juger à ma place de ce qui est préférable. Car celui qui est aux commandes, jeune femme, le capitaine de la galère, le meneur de la barque : c’est moi. Ce que je suis pour vous, en revanche, ce n’est pas un officier malléable, ce n’est pas un faible au grand cœur mais une figure d’autorité à laquelle vous vous soumettez, que vous le vouliez ou non. Je vous interdis de discuter l’interprétation de mes propos.

Il la fixa longuement. Il allait être odieux, la faire souffrir. Et même s'il n'aimait pas ça, c'était son travail. Une tâche qu'il devait accomplir pour que son monde continue de tourner.

- Etant donné les circonstances, le SGC a été informé de vos actes. Est-ce que vous êtes bien au fait de ce que le règlement commande en pareil cas ?

Pour Karola, même si la colère de Caldwell et les accusations qu’il portait à son encontre étaient parfaitement légitimes, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un profond sentiment d’injustice. Et c’était ça le plus terrible et le plus dur à réaliser. Même si elle s’évertuait à s’expliquer elle savait pertinemment que Caldwell de son côté ne lâcherait pas l’affaire. Le code militaire était strict et clair surtout au sujet de l’insubordination, elle était bien placée pour le savoir.

Lorsque le colonel se leva d’un bond elle sursauta, surprise, puis baissa la tête en écoutant sa colère se déverser sur elle. Ses poings se serrèrent pour contenir ses tremblements. Elle ne pouvait plus soutenir le regard de Caldwell, c’était devenu trop insupportable. Ce n’était même plus comme un 1ere classe qu’elle se sentait, mais comme une petite fille qui venait de faire une grosse bêtise et dont le père lui faisait la morale. C’était désagréable, plus qu’une Pile-Poil qui l’avait collée pendant deux heures, plus que ce qu’elle avait pu subir le mois dernier…La seule chose dont elle avait envie, c’était de creuser un trou et de s’y cacher, de s’y enterrer, pour toujours.

- Oui, colonel. Répondit-elle en essayant d’ignorer la boule qu’elle sentait naître dans sa gorge, le visage toujours rivé vers le sol.

Si elle avait pensé échapper au pire au départ, il était clair à présent que ce n’allait plus être le cas et en vérité, elle n’avait rien fait pour éviter cela. Consciente qu’elle avait dépassé les bornes, elle attendit patiemment que le couperet ne tombe.

Voilà. Caldwell était devenu un bourreau. Il se sentait sale intérieurement. Dominer ainsi une femme fragilisée par son agression passée, la dominer de son autorité et de sa puissance pour l'écraser, la broyer comme insecte, le tout dans un but précis. Il ne restait que le coup de grâce à donner. Une attaque sur la chose qui lui tenait le plus à cœur, le plus valeureux à son âme. Il conserva le même ton en parlant :

- Dans ce cas... Fit Caldwell en déposant une boite à galons devant elle. Il y avait des insignes de Capitaine à l'intérieur. Pour insubordination et avoir abusé la confiance d'un officier supérieur, je vous avise que avez été rétrogradée à effet immédiat. Veuillez enlever vos anciens galons et placer les nouveaux sur votre uniforme, c'est un ordre.

Karola resta immobile quelques secondes ayant du mal à croire ce qu'il lui demandait avant de finalement se lever, elle évitait soigneusement de regarder son supérieur dans les yeux. Ses mots avaient claqués dans l'air et elle eut l'impression de se prendre une gifle monumentale en pleine figure, une gifle administrée directement par son supérieur, un homme qu'elle respectait immensément. Caldwell ne lui demandait pas cela de manière anodine, il savait ce que ses galons représentaient pour elle et agissait justement ainsi pour cela.

- A vos ordres...

Accablée par la honte, elle porta ses mains vers ses galons de Major et les retira en tentant de maîtriser ses mains tremblantes. Après tout le travail qu'elle avait durement accompli jusqu'ici, son dossier vierge de toute erreur militaire, là voilà qui subissait l'un des pire sorts qu'un militaire puisse redouter à son sens. Son père devait très certainement se retourner dans sa tombe.

Elle déposa ses insignes dans la boîte avant de prendre ceux de Capitaine et de les accrocher là où se trouvaient ses anciens galons quelques secondes plus tôt. Une fois cela terminé, elle leva ses yeux légèrement brillants vers Caldwell sans pour autant le fixer. Elle espérait qu'il la libère rapidement pour qu'elle puisse rejoindre sa cellule et y passer le restant du voyage seule.

L'officier récupéra la boite à galons. Sa gorge était raide mais le masque de son visage ne souffrait d'aucune faille.

- Voilà qui devrait vous apprendre davantage l'humilité...Capitaine. Que ceci vous serve de leçon. Rappelez-vous en la prochaine fois que vous vous adresserez à un officier supérieur. Vous allez maintenant rejoindre votre cellule. Mais avant cela, le garde veillera à vous faire passer par le mess des officiers pour que vous puissiez vous "restaurer". De nouvelles doléances à formuler ?

La pauvre Karola était à présent aussi blême qu'un cachet d'aspirine. Inutile de tenter de cacher son abattement, elle était bien trop affectée par ce qui venait de se passer pour y parvenir. Caldwell venait de purement et simplement lui infliger l'humiliation, la 2ème qu'elle subissait en l'espace d'un mois et même s'il ne le montrait pas, il devait très certainement être satisfait de lui. A sa question, elle réfléchit un instant, avant de penser à quelque chose et d'une petite voix lui répondit :

- Colonel, pourriez-vous interdire l'accès à ma cellule à tous les membres de l'escadrille tribord, s'il vous plait. J'aimerais rester seule.

Par tous les membres elle entendait Pile Poil mais également et surtout Adam qui était un de ses subordonnés. Elle espérait que le colonel ne prendrait pas sa demande pour un caprice de diva et qu'il comprendrait les raisons de cette requête.
L'homme hocha la tête.

- Si vous préférez vous apitoyer sur votre sort jusqu'à votre arrivée sur le site Alpha, soit. Je n'en suis pas étonné. A présent disparaissez, je ne veux plus vous voir.

- Merci, colonel.

Elle lui fit de nouveau un salut militaire appliqué et tourna les talons. Une fois près de la porte, elle s'arrêta quelques secondes avant de l'ouvrir, elle avait déçu le colonel et songeait à s'excuser. Cependant, elle oublia cette idée, Caldwell venait de la congédier et il était à présent hors de question qu'elle fasse du zèle. Alors elle ouvrit la porte et sortie de cet enfer. Le geôlier l'attendait déjà à l'extérieur et reçu un appel sur sa radio. Karola put entendre son supérieur répéter les ordres qu'il venait de donner à Karola. Il le chargea de l'emmener au mess des officiers puis de la raccompagner à sa cellule.

- Si vous voulez bien me suivre, Capitaine. fit le soldat en ouvrant la marche.

Pas vraiment emballée par cette idée et surtout son appétit complètement coupé, elle pinça les lèvres en entendant l'appeler ainsi et finit par le suivre malgré tout jusqu'au mess. Ce fut une véritable épreuve pour elle et elle ne doutait pas que cela faisait partie du plan de Caldwell. Celui de lui apprendre l'humilité. Elle déambulait comme un zombie et encore une fois, prenait garde à ignorer quiconque elle croisait. Plus par volonté de ne pas voir leur air de surprise ou entendre leurs messes basses à la vue de ses nouveaux galons que par dédain.

Au mess elle s'empressa de prendre de quoi se sustenter en procédant de la même façon vis à vis de ses collègues officiers présents et demanda au garde de la raccompagner à sa cellule. Lorsque la porte se referma derrière elle, elle posa son repas sur une petite table métallique et se dirigea la mort dans l'âme vers son lit où elle se réfugia dans un coin en rassemblant ses jambes contre elle et en enfouissant sa tête entre ses bras en priant pour que ce cauchemar s'arrête bientôt.

De son coté, le colonel avait été incapable de finir son thé, furieux contre lui-même. Mais s'il tenait à ce que cette jeune femme reste dans le milieu, il fallait à tout prix la ramener dans le droit chemin. Quitte à devenir une véritable chimère, sa plaie s'il le faut, c'était la seule solution. Car cette forme d'indépendance dans ses décisions, cette façon de se jeter corps et âme dans la gueule du loup qui portait la marque de Sheppard ; tout ça allait inévitablement causer bien plus de dégât qu'une simple perte de galons.

La leçon serait rude à encaisser, surtout au vu de son état, mais nécessaire.

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Karola Frei
Major
Second responsable militaire
Bannière perso (image 901x180px) : Aux portes de l'Enfer 1562430542-image-profil
√ Arrivée le : 14/05/2015
√ Date de naissance : 09/04/1983
√ Nationalité : Allemande

√ Age : 41
√ Messages : 2298
√ Localisation : Site Alpha

Jeu 2 Mar - 18:35

Karola Frei
L’attente du débarquement du Dédale sur le site Alpha fut longue et pénible pour Karola. Recroquevillée dans un coin de son lit la plupart du temps, elle avait l’impression de n’être plus que l’ombre d’elle-même. Elle imaginait sans peine Caldwell l’observer depuis ses nombreux écrans reliés aux caméras et jubiler de l’avoir remise à sa place de cette manière. Elle se savait être une militaire froide, parfois hautaine et orgueilleuse. Elle ne doutait pas que ce genre de comportement pouvait attirer les inimitiés de certaines personnes. Peut-être pas celle du colonel, quoiqu’étant donné la colère qu’elle avait pu déceler dans son regard et ses paroles, elle en doutait à présent, mais en tout cas, ils étaient un certain nombre à la critiquer, que ce soit sur Atlantis ou au SGC. Et le Colonel lui avait annoncé que la cité et le QG du programme Porte des Etoiles qu’ils avaient été avisés de sa dégradation. Autrement dit, il devait certainement avoir certaines personnes se réjouissant de son malheur. Il y avait ça, ce qui en soit n’était pas le plus terrible, Karola se moquait de ses détracteurs, en revanche en ce qui concernait sa hiérarchie cela était plus problématique. Elle n’osait imaginer la déception que Sheppard avait pu ressentir lorsqu’il avait appris la nouvelle.

C’était la même chose pour Caldwell et elle se demandait si sa déception n’était pas à la hauteur de sa sanction. Pour elle qui avait toujours respecté et fait respecter la chaîne de commandement c’était vraiment une douce ironie encore plus quand on savait que quelques jours auparavant elle avait sanctionné Ford pour insubordination. Fort heureusement, son père colonel de l’armée de Terre allemande de son vivant, n’était plus là. Aucun doute qu’en apprenant la nouvelle il aurait jeté l’opprobre sur sa fille. Il lui avait un jour déclaré, avec sa voix grave et pleine d’autorité « Il y a deux types de militaires, ceux qui font l’honneur de leur pays et ceux qui ne devraient pas avoir l’honneur de porter la tenue militaire. Tâche de toujours faire partie des premiers. » Et il s'agissait plus d'une menace que d'un conseil. Aujourd’hui encore elle entendait ces mots très distinctement dans sa tête et aujourd’hui elle venait visiblement de basculer dans le 2ème groupe de militaires.

Malgré cette déception que ses supérieurs pourraient ressentir à son égard, elle, trouvait toujours qu’elle avait été injustement punie et ce sentiment d’injustice avait un goût amer. Caldwell lui avait demandé de se justifier lors de leur entretien et elle avait tenté de le faire en lui faisant comprendre qu’elle avait été motivée par une envie d’aider ses camarades. En tant qu’officier cela lui semblait être une évidence qu’il fallait parfois prendre des risques quitte à se sacrifier. Imaginer que l’un des membres de l’escadrille tribord aurait pu mourir durant la mission par manque d’effectif lui avait été insupportable et à vrai dire elle s’était trouvée lâche de les avoir abandonner ainsi, manquant à son devoir d’officier supérieur. Elle été persuadée avoir de bonnes raisons mais Caldwell n’avait rien voulu entendre et à vrai dire, elle savait qu’il ne lui avait demandé de se justifier que pour mieux la réprimander ensuite et non pas pour tenter de se racheter. Lui ayant annoncé que le SGC et Atlantis avait été prévenu montrait bien qu’il était déjà décidé quant à sa sanction. Elle ne pouvait pas s’empêcher de repenser à ses propos durs et violents à son encontre.

Bref, c’était tout un tas de pensées qui ne cessaient de bouillonner dans la tête de Karola à tel point que ruminer et ressasser tout ceci lui fit perdre l’appétit et l’envie de dormir. Lorsqu’elle avait quitté l’infirmerie, on lui avait conseillé de se reposer le plus possible mais avec tout ceci il lui était impossible de fermer l’œil. Une infirmière était passée quelques fois surveiller son état et le taux d’oxygène présent dans son sang et avait eu l’impression d’avoir à faire à un véritable zombie. La jeune femme s’était docilement laissée faire, sans émettre le moindre commentaire et regardant toujours dans le vide. Elle accusait difficilement le coup et se contentait de répondre « Oui/non » à ses questions. Elle ne touchait pas non plus la nourriture que son garde lui déposait sur la table métallique. Son estomac semblait s’être tut tout comme sa volonté pourtant si forte. En revanche, il y avait bien une chose qu’elle ne s’abaisserait pas à faire. Il était hors de question qu’elle pleure, qu’elle montre des remords. Pas tant qu’elle était sur le Dédale.

Hormis, l’infirmière, la jeune femme ne reçut aucune autre visite. Sa demande avait été respectée et c’était mieux ainsi. Elle n’avait nullement envie de voir qui que ce soit, encore moins de recevoir de témoignages de compassion. Son isolement l’avait totalement fermée à autrui et elle comptait bien en faire de même sur Alpha, en tout cas le temps que la pilule passe. A ce sujet, elle ignorait qu’elle heure il était quand le garde vint ouvrir sa cellule et l’invita à prendre ses affaires et à se lever.

- Capitaine, c’est l’heure, nous sommes arrivés sur le site Alpha.

*Enfin* songea Karola. Elle attrapa ses effets personnels, la besace que Pile-Poil lui avait apporté et à laquelle elle n’avait pas touché puis quitta sans un regard en arrière la cellule 9. Par chance, tout le monde était affairé à décharger le ravitaillement apporté et personne ne fit attention à elle. Après 24h d’isolement la voilà qui foulait le sol de la Terre sans jour. Comme elle et son équipe l’avait découvert, il y faisait nuit mais les installations militaires effectuée disposaient de puissants éclairages qui permettaient aux troupes d’y voir très clair. Le garde qui l’accompagnait n’allait pas éternellement rester avec elle, aussi il contacta son supérieur pour recevoir de plus amples informations concernant le sort de Karola. Après les avoir reçus, il revint vers elle et l’informa qu’elle devait impérativement se rendre au bureau du Major Trudeau. Elle hocha la tête et sans même saluer son garde, passa devant lui pour se rendre auprès du militaire qui supervisait la base.

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